Transfert de radionucléides dans les sols forestiers : influence de la nature de la contamination - IRSN - Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2019

Transfert de radionucléides dans les sols forestiers : influence de la nature de la contamination

Résumé

L'accident de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi (FDNPP), survenu en mars 2011, a relâché dans l’environnement entre 380 et 800 PBq, dont 30% se sont répandus dans les écosystèmes terrestres japonais1. En raison de sa demi-vie (30,1 ans), le 137Cs est à ce jour le radionucléide majoritairement présent dans l’environnement. Dans ces régions montagneuses, les forêts, occupent près de 75% des territoires les plus contaminés2.Du fait de la persistance de leur niveau de contamination élevé, les forêts sont particulièrement étudiées afin de déterminer le risque de contamination secondaire des écosystèmes situés en aval par ruissellement/érosion hydriques. Après contamination des milieux forestiers, deux phases consécutives peuvent être distinguées3 : (1) une phase post-accidentelle «immédiate» d’une durée inférieure à 3 ans, caractérisée par la redistribution rapide des dépôts initiaux entre les arbres et le sol résultant des processus de dépuration (lessivage de la canopée, chute de litière, ruissellement le long des troncs) puis (2) l’atteinte d’un état « d’équilibre apparent» caractérisée par la stabilisation des transferts entre le sol et les arbres dont l’ampleur est contrôlée principalement par l’absorption racinaire. Le taux d’interception par la canopée ainsi que sa cinétique de dépuration influencent fortement la dynamique de redistribution du 137Cs dans les couches de sol et donc l’évolution de la disponibilité de cet élément pour le transfert aux espèces forestières (arbres, champignons,…). La proportion des dépôts au sol de nature liquide (pluie contaminée non interceptée, pluviolessivage) ou solide (chutes de litières) n’est pas constante dans le temps, avec une forte prédominance apports liquides juste après l’accident qui s’estompe dans le temps. Bien que ces différentes cinétiques de dépôts soient prises en compte dans les modèles4,5,6, leur disponibilité au transfert est considérée comme identique à de rares exceptions près 7,8. Or, la disponibilité aux transferts dans les sols est un paramètre clé dans la redistribution du 137Cs au sein des écosystèmes influençant fortement leur gestion à long terme. In Situ, à partir de prélèvements de sol il est impossible de distinguer le 137Cs provenant des dépôts liquides de celui provenant des dépôts solides sous forme de litières ou de leurs formes dégradées. Pour pouvoir déterminer la disponibilité aux transferts de ces différentes natures des dépôts, une expérimentation en milieu contrôlé a été réalisée. Des litières de cèdres japonais ou de chênes contaminées par du 137Cs, prélevées in situ, ou une solution contaminée en137Cs ont été mélangés à des sols, non contaminés, collectés dans les forêts de conifères et de feuillus de Fukushima. Ces mélanges ont ensuite été incubés en laboratoire pendant plus d’un an afin d’évaluer si la disponibilité environnementale du 137Cs dépendait de la nature de la contamination et évoluait dans le temps. Lors de cette étude, les capacités d’extraction du 137Cs par de l’eau et par une solution d’acétate d’ammonium (1 M) ont été déterminées à différents temps d’incubation. Les résultats montrent que la fraction de 137Cs extractible à l'eau était inférieure à 1% pour un apport liquide de 137Cs et inférieure à la limite de détection pour un apport sous forme solide. La fraction de 137Cs extractible à l’acétate d’ammonium diminuait de façon exponentielle de ≈ 55% à ≈ 30% pour l’apport sous forme liquide alors qu’aucune évolution n’était observée pour l’apport sous forme solide pour lequel seule la nature de la litière avait un impact (cèdre japonais ≈ 2% ; chêne ≈ 15%)9. Ce résultat montre clairement que la disponibilité du 137Cs dépend de la nature de la contamination et suggère que dans les écosystèmes forestiers contaminés, la fraction de 137Cs du sol provenant des dépôts humides (dépôts directs ou provenant du pluviolessivage de la canopée ou des troncs) est plus disponible que celle provenant des dépôts solides résultant des chutes de litière. Du fait de la variation dans le temps de la proportion solide/liquide des dépôts, une disponibilité plus importante du 137Cs est attendue en phase post accidentelle immédiate en comparaison de celle attendue à plus long terme. L’intégration de ces variations de disponibilité environnementale en fonction de la nature du dépôt semble donc être une piste intéressante pour raffiner les modèles de distribution du 137Cs dans les sols forestiers pour différentes échelles de temps. 1. Steinhauser, G., Brandl, A. & Johnson, T. E. Comparison of the Chernobyl and Fukushima nuclear accidents: A review of the environmental impacts. Science of the Total Environment, 470–471, 800–817 (2014). 2. Yoshihara, T., Matsumura, H., Hashida, S.-N. & Nagaoka, T. Radiocesium contaminations of 20 wood species and the corresponding gamma-ray dose rates around the canopies at 5 months after the Fukushima nuclear power plant accident. Journal of Environmental Radioactivity 115, 60–68 (2013). 3. Calmon, P., Thiry, Y., Zibold, G., Rantavaara, A. & Fesenko, S. Transfer parameter values in temperate forest ecosystems: A review. Journal of Environmental Radioactivity 100, 757–766 (2009). 4. Hashimoto, S., Matsuura, T., Nanko, K., Linkov, I., Shaw, G. and Kaneko, S. Predicted spatio-temporal dynamics of radiocesium deposited onto forests following the Fukushima nuclear accident. Scientific Reports, 3, 2564 (2013). 5. Thiry, Y., Albrecht, A., Tanaka, T.Development and assessment of a simple ecological model (TRIPS) for forests contaminated by radiocesium fallout. Journal of Environmental Radioactivity, 190-191, pp. 149-159 (2018). 6. Nishina, K., Hayashi, S. Modeling radionuclide Cs and C dynamics in an artificial forest ecosystem in Japan FoRothCs ver1.0, frontiers in Environmental Science, 2015-061 (2015). 7. Ota, M., Nagai H., Koarashi, J. Modeling dynamics of 137Cs in forest surface environments: Application to a contaminated forest site near Fukushima and assessment of potential impacts of soil organic matter interactions, Science of The Total Environment, 551–552, 590-604 (2016). 8. Gonze, M-A., Calmon, P., Hurtevent, P., Coppin, F., Nicoulaud, V., Application du modèle TREE4 au transfert de 137Cs dans les forêts de conifères à Fukushima. Rapport PSE-ENV/2018-00071 (2018). 9. Teramage, M.T., Carasco, L., Orjollet, D., Coppin, F. The impact of radiocesium input forms on its extractability in Fukushima forest soils. Journal of Hazardous Materials, 349,. 205-214 (2018).
0000164388_001.PDF (6.46 Mo) Télécharger le fichier
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

hal-02635725 , version 1 (27-05-2020)

Licence

Copyright (Tous droits réservés)

Identifiants

  • HAL Id : hal-02635725 , version 1

Citer

Frederic Coppin, Teramage Mengistu, Loic Carasco, Marc Andre Gonze, Philippe Calmon, et al.. Transfert de radionucléides dans les sols forestiers : influence de la nature de la contamination. Journées Techniques Sols, Sédiments et Radioactivité, SFRP, Feb 2019, Paris, France. ⟨hal-02635725⟩
65 Consultations
8 Téléchargements

Partager

Gmail Facebook X LinkedIn More